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Isabelle, roman d'aventure epique et erotique - Chapître IV

Publié le par itikar

Au même moment, mais fort loin de là, les frondaisons bruissent d’une progression rapide et effrénée tout autour d’un château fort sordide.

 

Un personnage filiforme bondit de fourrés en fourrés, et d’un lassis de branchage à un autre. Ainsi, il franchit les douves de la forteresse totalement emplies de gerbes de ronces effroyables, s’aidant de la formidable canopée qui plongeait la bâtisse dans des ténèbres perpétuelles, notamment à ce moment où un orage et une pluie torrentielle sévissent furieusement.

Envahis de grands lierres sauvages comme s’il s’était s’agit de fortifications en ruines rongées par la nature reconquérant les lieux, la forteresse paraissait encore plus effroyable. 

Cela ne semble absolument pas décourager l’humanoïde qui s’en approche, visiblement peu ému par l’ambiance de cauchemar encore amplifiée par un permanent brouillard visqueux et nauséabond …

Comme mue par une énergie absolue, l’être, arrivé au pied du mur d’enceinte, saute en avant, et se met à escalader les hautes murailles en s’aidant de l’épaisseur du lierre.

 

            Angaar est de faction à la tour sud-est du château ce soir là. Bien que la densité extraordinaire de l’épaisse végétation masquait cela, celui-ci était juché tout en haut d’une terrible falaise portant regard sur l’océan et à l’opposé de ce rempart naturel une ligne d’enceinte courrait en reliant deux immenses tours de gardes. La sentinelle scrute avidement les parages accessibles du château. Au loin, en effet, une petite troupe d’hommes en armes arrive, frayant tant bien que mal un passage à travers les bois torturés à une chaise à porteuse dont seuls les occupants pouvaient jouir d’un confort de circonstance. Ils  arborent les armoiries d’Arthur Pendragon , un dragon rouge dressé sur ses pattes arrières et agrippé à la croix du Christ au-dessus d’un cercle divisé représentant la célèbre Table Ronde.

 

            Angaar réfléchit et se demande qui dans la clique d’Arthur peut avoir le toupet de venir ainsi au grand jour s’annoncer au quasi-dieu Mordred. Son maître totipotent avait fait de ces ruines de légendes son avant-poste de circonstance dans la guerre qui s’annonçait. Le château s’appelait autrefois Tintagel, le lieu fameux  où s’exposa jadis la trahison du roi Uther envers Gorlois le roi de Cornouailles. Cette trahison, se dit Angaar, prenait écho de manière savoureusement ironique avec tous les événements actuels. En effet, l’adultère entre Uther et Ygraine, femme de Gorlois, entraîna la naissance d’Arthur, qui des années plus tard conçu dans un adultère équivalent le quasi-dieu Mordred. Comme son seigneur le martelait sans cesse, et ce sans aucun sourire, il était de ce fait plus que justice que le royaume de Bretagne tombe sous sa coupe. C’est d’ailleurs ce qu’il allait se passer. Fort logiquement, car désormais, le roi Arthur et les derniers bretons valides lui étant fidèles se battent à un contre cent.

 

            Ainsi plongé dans ces pensées, l’arrivée de ce petit bataillon distrait Angaar et l'empêche d'être alerté par l’aura verte auréolant l’intrus qui escalade désormais avec célérité le mur d’enceinte dans sa direction.  La servitude inconditionnel d'Angaar à Mordred allait donc trouver ce jour sa pénible conclusion, car l’intrus s’étant fait feuille finit par se faufiler par une meurtrière à l’intérieur du mur d’enceinte et ce manquement grave au devoir de vigilance allait peu après coûter la vie à la négligente sentinelle. Mordred n’avait pas reçu le titre d’Impitoyable sans raisons.

 

            Pour l’heure, c'est un jeu d’enfant pour l’inconnu, tout enveloppé d’une ample cape grise lui recouvrant les traits, de gagner la salle d’audience. Cela lui prend quelques minutes, après avoir esquivé deux ou trois gardes en patrouilles seulement, le gros des troupes se préparant à ce moment  à recevoir comme ils se le devaient la troupe armée qui battait les couleurs du roi Arthur.

 

            L’intérieur des lieux n’est certes pas dans le même état délabré que le suggérait la vision des  fortifications extérieures, aussi l’humanoïde n'est guère surpris de déboucher enfin sur une pièce luxueusement mise en valeur : son plafond est composé de trois étages extrêmement ouvragés. Le premier d’entre eux figure un damier fait de bois massifs teints de façon alterne en beige et en marron foncé. Entre les madriers, l’espace est occupé par des dalles de feuilles de métal aux bords finement ciselés au centre duquel une pique d’or longue et acérée descend sur deux mètres en regard du sol. Partout sur les murs, des mosaïques d’inspiration romaine, magnifiques œuvres d’art dépeignant des scènes de la rome antique, ont été récemment fixées. Au sol, s’étend sur un dallage marbré dont les limites répondent à celles des dalles du plafond, de riches étoffes persanes aux milles motifs entrelacés. Sur ces longs tapis, de nombreux coffres et amphores attendent emplis de divers trésors. Et un trône singulier, taillé dans un bloc d’émeraude longuement travaillé,  est doté d’un siège confortable mais bien trop large pour un individu de taille normale. Un homme en armure d’or sans casque y est couché en train d’embrasser une jeune femme nue qui le love de ses membres.

 

L'homme ne voit pas tout de suite l'intrus car il vole un long et rude baiser à sa compagne. C'est lorsque le bruit des lèvres en contact des deux amants se fait le plus indécent que l'intruse abaisse le haut de sa cape, découvrant un visage en colère mais brillant de l’éclat de la sagesse éternelle et de l’éternelle jeunesse. Par ce geste, la monte-en-l'air met fin à son sortilège d’infiltration, et par là-même à sa quasi-invisibilité, ce qui la révéle totalement à l'individu assis sur son trône. Les yeux saphirs de l’inconnue ayant immédiatement permis à celui-ci de la reconnaître, il sursaute, pousse par-dessus trône la jeune esclave qui s’écrase au sol en un cri plaintif avant de se relever et quitter la pièce en courrant. Puis, le guerrier se précipite sur son casque, soucieux de ne pas se montrer avec un visage vulnérable. Enfin, ayant très approximativement fixé quelques sangles de celui-ci, il s’autorise un large sourire forcé et invective la femme qui lui fait face en bouillant d’une rage silencieuse :

 

-         Mais n’est-ce donc pas là Viviane ou la Dame du Lac, haute prêtresse d'Avalon, que je vois là, seule et sans défense devant moi ? Vous qui êtes quasiment ma marraine, en quelque sorte, que me vaut le déplaisir … et la surprise de votre venue non autorisée ?

 

La Fée fixe l'homme en armure d'or et répond :

 

-         Je ne viens pas pour batifoler dans ce lieu de blasphème ! Je ne parviens pas à croire que pour vos fins personnels, vous avez détourné le climax de toute la colline ! Là où il devrait y avoir rocaille déserte, quelle magie avez-vous invoqué pour transformer les alentours en forêt vierge marécageuse, Mordred ?!! Et qui a pu … ?

 

Le seigneur des lieux coupe soudainement la prêtresse en éclatant d’un rire gras, puis son sourire carnassier la déshabille du regard  Il clame alors haut et fort :

 

-         Noon, Viviane ? Pas vous tout de même ! Vous ? La doyenne des Fées, la souveraine d’Avalon, vous par qui devrait parler le Dragon lui-même, vous m’apprenez que vous ignoriez tout de la dernière de mes récréations ? … Que c’est touchant … ou plutôt troublant, n’est-il pas ? Accouchez donc que je me gausse encore ! Je n’ai pas le temps de jouer au portrait chinois avec vous. Je suis un gentilhomme de guerre, moi, madame ... et vous n’êtes ne vous en déplaise pas la bienvenue je le crains très fort … pour vous.

 

La Dame a un bref instant un grossissement des pupilles, trahissant une soudaine mais vive anxiété, et une goutte de sueur perle le long de sa joue. Détournant son regard de celui du terrible guerrier, qui la domine par sa stature d’un demi mètre,  elle affaisse ses frêles épaules et recule d’un bon pas avant d’exposer  la raison de sa venue :

 

-         Monseigneur, l’heure est grave, en effet. Sans m’intéresser plus que nécessaire à vos motifs de guerre, il reste que c’est le moment ou jamais de rendre les honneurs dus au Dragon. Arthur et ses chevaliers viennent de quasiment échouer dans la conquête du Graal, et l’Unique est donc particulièrement vulnérable. Je sais que vous êtes le dernier champion des Anciens dieux, vous vous devez de les servir, et moi, Viviane, je vais vous dire comment vous allez vous y prendre sans avoir nullement besoin de quitter votre fauteuil !

 

Mordred ne pipe mot. Viviane poursuit :

 

La nièce d’Arthur, votre demi-sœur donc, se nomme Isabelle comme vous vous en souvenez peut-être. Cette jeune personne va prêter main forte aux chevaliers de la Table ronde dans leur quête du Graal. Et vous, Mordred, allez devoir faire en sorte de diriger Isabelle sur une autre piste … Celle du Chaudron de Beren ! !

 

Mordred a pendant tout le discours de la fée ajusté son heaume doré, et les yeux clos gravés en sa surface la fixe désormais comme un serpent hypnotise sa proie. Sans que Mordred ait prononcé le moindre mot, et bien qu’il donna l’impression d’avoir été paradoxalement très attentif tout le long de son monologue, Viviane se sent de plus en plus entrer dans la peau de la souris face au chat affamé. Et elle se glace d’effroi.

 

Finalement, le châtelain leve haut la tête en ricanant de manière étrange, comme si sa raison s’en allait, puis il agite sa face de psychopathe vers Viviane en siflant :

 

-          Devoir ?, dites-vous ….Suffiit, … Vi-vivianee … Il est temps pour vous d’assumer le temps que vous me fites perdre en ce moment si important … Héhé, petite, sachez que vous n’êtes pas ma seule … invitée de marque aujourd’hui. Vous ne voyez  pas, devineresse  de mes guêtres !!! ?? Elle vient en ce moment même se compromettre et croyez-moi, mon père – qu’il soit mille fois maudit ! - ne s’en relevera pas ha ha ha

 

Malgré ses peurs, la Dame du Lac à ses mots se redresse. Elle lève un poing rageur vers Mordred en rétorquant :

 

-         Mordred ! Félon ! Votre magie noire m’a-t’elle aveuglé ! Mais qui peut … ? Je vous croyais profondément attaché aux rites antiques qui ont fait de vous ce que vous …

 

            La coupant net, Mordred dégaine sa lourde épée, et fait mine d’asséner un coup d’estoc à sa visiteuse. Il arrête in extremis sa lame, amusé, juste devant le cœur de la fée, terrorisée :

 

-         Ah ah, ce n’est pas votre heure, j’en ai peur, vile intrigante. Mais à vous voir ainsi agressée, je prend conscience de quelques taquineries que j’aimerais bien vous occasionner juste après mon entrevue … Je vais vous mener à votre geôle madame… Je vais petite veinarde vous réserver la cellule la plus proche de ma toute nouvelle salle de torture. Vous m’en direz des nouvelles … C’est le cas de le dire héhéhéhé

 

            Tout en riant de son sadisme, Mordred agrippe sans peine le bras de la Dame du Lac, et il la pousse sans ménagement aucun dans le couloir qui jouxte la salle d’audience, jusqu’à une cage d’escalier.

 

Ils commencent à descendre les marches, s’enfonçant dans des ténèbres qu’éclairent alors toute une ribambelle d’éclairs dont l’éclat pénétre par une ouverture dans le mur. Brusquement, à proximité de cette meurtrière, Viviane se démène avec sauvagerie, accompagnant un soudain grondement de tonnerre,  griffant et mordant son geôlier, pour d’un bond agile quitter sa cape grise et s’insinuer au travers la mince fente. L’ange fait brusquement un saut artistique dans le vide.

 

Mordred regarde la cape grise qu’il maintient toujours, seule vestige de Viviane se dit-il, perplexe, puis se penche calme et songeur à la meurtrière comme pour vérifier l’évidence … : cinq cents pieds plus bas, la falaise de granit rencontre alors le front de l’écume de la mer, rendue furieuse par l’effroyable tempête. Viviane vient probablement de faire sa dernière chute, car nul être humain ne peut survivre à une telle chute, se convainc Mordred, lâchant la cape grise de la Reine d’Avalon aux vents furieux la happant.

Puis, il se retourne et s’éloigne, ce qui l’empêche de voir passer juste devant la funeste meurtrière, un bel albatros blanc aux yeux saphirs.

L’oiseau prend de la hauteur et s’éloigne vers l’horizon.

 

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