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Isabelle, roman d'aventure epique et erotique - Chapître III

Publié le par itikar

Lancelot ne parvint pas à retrouver la jeune fille … et étant donné ce à quoi celle-ci  s’adonnait au même moment, cela n’avait rien d’étonnant. N’étant évidemment pas au parfum, notre champion fait  un long détour dans le château pour prévenir les serviteurs et les gardes. A chacun, il dit qu’il se doit de guider Isabelle jusqu’à la salle du trône dès qu’il l’apercevrait, le mettant en garde sur l’importance  qu’il y a à bien traiter la jeune femme. Aussi jugea t’il bon de leur narrer ce qu'il advint du pauvre garde qui avait manqué de respect à la belle Isabelle. Puis, il quitte le ou la servante  terrorisé et va s’entretenir avec le valet suivant. Cette tâche lui prit une bonne demi-heure.

 

Il gagne ensuite les quartiers royaux. Arpentant le couloir qui mène à la chambre d’Arthur, il se demande où pouvait bien être au même moment Isabelle, tout en faisant danser dans sa tête l'image des seins de la belle.

 

Il est si concentré qu’il ne réveille pas le garde endormi, affalé devant la porte des quartiers du Roi, lui permettant d’éviter une sévère punition : comme n’aurait pas du manquer de lui rappeler notre vaillant héros :  « on doit rester au garde-à-vous sans bouger 24h sur 24 lorsqu’on est de garde royale ! »

 

Il frappe à la porte. Le garde en faction se réveille tout d’un coup, et son visage prend une teinte vert bouteille lorsqu’il voit le Seigneur Lancelot juste à côté de lui, cherchant visiblement à s’entretenir avec le Roi. La sentinelle se redresse, prend une position impeccable, retient sa respiration et reste coi.

Sans du tout faire attention au soldat, Lancelot se dirige vers la porte au fond du couloir, en chassant tant bien que mal le corps d’Isabelle qui emplissait jusqu’ici ses pensées. Il songe à Arthur, oui, à son roi et aux dernières années qui brusquement le terrassèrent en même temps que le pays d’Angleterre. Il songe aux saxons et aux autres envahisseurs qui en s’étendant jour après jour d’avantage fait pencher de plus en plus la balance de leur côté … Lentement, mais sûrement.

 

Le chevalier ouvre alors grand la porte, et a du mal à reconnaître la chambre du Roi Arthur tant le désordre y régne. A proximité du grand lit, un petit secrétaire est envahi par des parchemins poussiéreux, des plans ou des cartes. Il remarque une assiette contenant encore un peu de nourriture posée au-dessus. Les rideaux clos plongent la pièce dans la pénombre, et l’atmosphère se densifie par la présence d’une multitude de toiles d’araignées. Une épaisse couche de poussière recouvre le sol. A tel point que l'on se croirait dans un tombeau.

 

Une voix faible et enrouée sort le pieux chevalier de ses rêveries. Le Roi parlait.

 

Lance … Lancelot, viens ! … entre, … je t’attendais.

 

Les quelques mots qu’a prononcé le roi lui soutira semble t’il beaucoup d’énergie, puis la respiration hachée et bruyante d’Arthur est le seul bruit qu'on entendit dans la pièce.

 

Lancelot baisse les épaules de dépit. Soudain, un soupir éreinté du monarque attire son attention : Arthur, amaigri par tous les repas qu’il ne parvenait plus à prendre, gisait sous ses draps comme une momie parcheminée reposerait dans son linceul. Le peuple se passait alors le message que le roi avait attrapé une maladie extrêmement contagieuse, aussi même les femmes de chambre n’entraient plus pour s’occuper des quartiers royaux. Hormis les gardes qui n'avaient pas le choix, seuls quelques amis parmi les plus intimes – dont Lancelot et Guenièvre – s’approchaient du mourant. Eux savaient la vérité. Eux connaissaient l’existence de la prophétie qui statuait : « une Terre, un Roi. Lorsque la Terre est malade le Roi se meurt, et vice versa ».

 

Lancelot songeait fréquemment à ce très ancien augure, et malgré les anciennes remontrances que lui avaient fait Merlin, il en attribuait l’origine à la volonté du Seigneur tout puissant. Il croyait les voies de Dieu impénétrables, aussi se satisfaisait-il de cette simple explication.

 

S’approchant du monarque, il se racle la gorge pour éclaircir sa voix, puis prend la parole en le regardant droit dans les yeux :

 

-         Mon Roi, pardonnez mon intrusion, je ne pensais pas vous réveiller.

 

            Les lèvres du Roi Arthur remuent sans sourire et, toujours coupé par ses denses mouvements respiratoires, il s’exprime d’une voix faible et enrouée :

 

-         Je ne dormais pas, Lancelot. Je n’ai en fait jamais été aussi clair d’esprit … Mais, suffit, chevalier, mon sort ne serait que babiole … s’il n’était lié à la couronne de Bretagne … Je me meurs, comme tu peux le constater. Vous, mes chevaliers, avez … échoué dans votre quête …

-         Mais mon Roi … Arthur, ne dis pas ça ! Galahad n’est pas revenu, il reste un espoir, même si Gauvain est rentré bredouille de ses investigations dans les ruines de Tintagel … Mais vous avez du entendre le rapport sur Mordred, je pense.

-         Oui, certes … Je ne sais quoi en penser et j’ai atrocement peur pour la vie de la reine… Oui, mon ami, elle est partie là-bas à son tour, même si elle ne sait pas encore qu’il s’agit du même endroit. Je crains une horrible perfidie de Mordred. Mais nous verrons cela plus tard…Dis-moi, qu’en est-il de Perceval ? Je n’ai pas eu vent de son retour, est-il toujours en quête ?

 

Lancelot ne répondit pas tout de suite. Il digéra de longs instants la nouvelle qui concernait Guenièvre. Il pensait comme Gauvain et Perceval la veille, que la reine et ses soldats suivaient depuis maintenant plusieurs jours la piste d’un groupe de mercenaires saxons censés rejoindre le camp principal de l’armée de Mordred, en bordure de Londinium. Mais il venait d’apprendre de son Roi que ceux-ci se dirigeaient en fait vers Tintagel, donc vers Mordred lui-même.

Mais ce n’est pourtant pas cela qui l’étonna le plus.

En effet, s’il l’avait appris d’Arthur la veille, il aurait sans doute été bouleversé, et aurait pris congé du roi sur le champ pour seller son destrier et aller derechef rejoindre Guenièvre … Une tâche idéale pour un Champion !

 

Mais ce jour là, il se surprit à ressentir que peu d’émotions face à cette nouvelle pourtant potentiellement funeste.

 

La destinée d’Isabelle et son rôle propre au sein de celle-ci lui importait bien d’avantage à présent.

 

Acceptant cette pensée, il rompt néanmoins le silence pour répondre au roi :

 

-         Non, Arthur … Il est revenu lui aussi avec Gauvain … Il lui a sauvé la vie en fait.

Tous deux sont partis hier sans coup férir avec notre armée pour tenter de protéger Londinium des saxons …

 

Un petit rire secoue la tête exsangue du monarque, qui semblait deux fois plus âgés suite aux effets de sa mal peste … Il annonce alors d’un ton à moitié amusé :

 

-         Quelque soit leur bravoure légendaire … Londinium tombera … Et … Et toi, le champion de ma Reine… Qu’as-tu découvert dans l’antre de Merlin?

 

Lancelot mis quelques minutes avant de répondre, sonné à l’écoute de cette étrange révélation. Le don de prophétie était tout nouveau chez Arthur, comme si dans son dernier voyage il emportait avec lui jusqu’au souvenir des derniers dieux de Bretagne …

 

-         Je … Je ne sais pas, mon Roi … Il semblerait que Merlin n’ait pas tout dit … Il recherchait inlassablement un autre icône sacré … dont la puissance équivaudrait à celle du Graal.

 

Le roi ouvre ses yeux, restés fermés jusque là, et pousse un faible hocquettement de stupéfaction …

 

-         Un autre Graal … Cela ne peut être … C’est impo … impossible … Le sang de la Terre est comme le sang de ses fils … unique.

 

Lancelot n’eut pas envie d’argumenter : il avait lui la conviction profonde que le Graal était forcément le seul objet sacré qui vaille, car il venait de Dieu, et Dieu régnait sur tout. En dessous lui, ses enfants, les Chrétiens, se devaient de prêcher les bonnes paroles.

L’existence d’un autre objet sacré, le « Graal des anciens dieux » était impensable car cela remettait en doute sa toute puissante unicité. Cela ne pouvait donc se concevoir.  Il passa donc alors au sujet de sa venue : Isabelle.

 

- Sire, votre nièce, Isabelle, est arrivée ce matin. Vous a t’elle salué ?

 

Le Roi sort prestement de son lit, et bientôt, devant les yeux ébahis de Lancelot, il est debout, nu et maigre. Le monarque parle d’une voix forte et claire. Une incompréhension totale se lisait sur le visage aguerri du champion :

 

-         Chevalier, ne pouviez-vous pas me le dire avant ! Apportez-moi immédiatement mes plus beaux atours, je pars à sa rencontre séant.

 

Le champion se met au garde à vous d’un trait, va droit à la penderie pour bientôt présenter une série d’habit de haute stature au Roi Arthur qui les passe précipitamment. Il n’a plus l’air d’endurer les affres de la souffrance.

Lancelot ne peut s’empêcher de dire :

 

-         Arthur, comment se peut ? … Vous sembliez si faible, à l’aube de mourir même, et vous voilà si empli de nouvelles forces ?

 

Le Roi en ajustant sa cape murmure seulement :

 

-         La Dame du Lac …Un dernier cadeau de la grande prêtresse d’Avalon … « Mon ultime souffle d’énergie sera pour la libératrice de la Bretagne … », m’a t’elle jadis dit avec tristesse … Isabelle, si tu savais ce qui repose sur tes épaules … tout mon fardeau est tien désormais … Oui.

 

Le chevalier veut réagir mais sa stupeur ne fait sortir qu’un seul mot de sa bouche :

 

-         Mais …

 

Le coupant net, le Roi s’écrie :

 

-         Allez, ne reste pas là sans rien faire ! Conduis-moi à elle, le temps presse !

 

 

Lancelot croit devenir fou. Les propos du Roi lui semblent de plus en plus incohérents,. Il voit devant lui un vieillard sénile en lieu et place du Roi Arthur, le légendaire libérateur de toute la Bretagne ! Le souverain n’a-t'il pas antérieurement déclaré que son dernier espoir était dans les mains des Chevaliers en quête du Graal ? Et maintenant, il fondait ces espoirs sur Isabelle. Qu’en était-il donc ? Est-ce là nouveaux artifices posthumes de Merlin ? « Bah, qu’importe » se dit-il, La Vieille Magie avait perdu toute sa confiance … définitivement. Restait Isabelle bien sûr. Il sentait cette jeune femme capable de lui revivifier le cœur d’un seul regard ardent. Dieu sûrement. Oui, Dieu pour le remercier de ses bons et loyaux services lui faisait cadeau de cette nouvelle jeunesse. Il allait suivre Isabelle dans sa quête dans l’unique but de se trouver en sa présence. Pour cela, il était disposé à suivre encore une fois le jeu malhabile du Roi.

 

C’est pourquoi il acquiesce :

 

-         Bien sûr, mon Roi. Il faut qu’elle parte vite en quête sacrée elle aussi. Elle est le dernier espoir de tous les Bretons. Je prendrais soin d’elle et je risquerais ma vie pour elle. Arthur, je le jure solennellement sur mon épée.

 

Déclamant sa profession de foi, Lancelot s’agenouille devant le Roi, et baisse sa tête en signe de dévotion rituelle à son seigneur et maître. Puis, Arthur se saisit d’Excalibur, l’épée de sa Destinée, et l’abaisse presque violemment sur l’épaule de son pair. Un geste mille fois effectuée durant son règne. Il dit alors :

 

-         Ainsi soit-il, mon frère. Cours chercher ma nièce, je l’attendrais dans la salle du trône. Fais vite.

 

Se dirigeant vers la porte , et plus heureux d’accompagner Isabelle que fier de sa nouvelle mission, Lancelot remarque un détail qui clochait … Il se retourne pour demander au Roi :

 

-         Dans la salle du trône ? … vous êtes sûr ? Cela ne devrait-il pas être à « La Table Ronde » ?

 

Le Roi, ceignant au même moment Excalibur dans le fourreau attaché à sa ceinture, répond sans le regarder :

 

-         Non, non, Lancelot … Rappelle-toi que lors de la dernière tempête, un coup de vent a fait tomber notre grand lustre en  cristal sur la Table. Celle-ci est désormais en grande partie fendue à cet endroit. Nos maçons sont à l’ouvrage, mais la réparation est très loin d’être achevée.

Va donc quérir Isabelle, mon ami.

 

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