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La Dryade du Temps

Publié le par itikar

 05 - 23/09/2007 - Ecrire la suite (de Kildar)
L'exercice consistait à écrire la suite du texte En deça du temps de Kildar... sans pour cela forcément respecter l'ambiance du texte initial. Le but de l'exercice étant bien de donner votre vision de la suite, potentiellement dans un tout autre genre que celui du texte initial.

Ainsi, pour avoir le début de ce texte, vous devrez vous rendre sur le blog de Kildar via ce lien qui conduit au texte En deca du temps

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Il faisait plutôt chaud et n’y avait pas un souffle de vent.


Lynn fit exactement ce que lui a proposé son ami Victor : elle enleva son short et s’étendit dans un transat. Elle et Victor n’avaient jamais fait de chichis entre eux, et cela ne dérangeait nullement la toute jeune fille de se montrer à lui en petites tenues. Elle ne pensait tout simplement pas du tout que cela puisse donner des idées à son ami de toujours.


Ce qu’il en pensait, il le gardait bien pour lui … En tout cas, même lorsque la jeune fille s’assoupit sous la caresse chaude des deux soleils,  le regard du jeune mâle ne s’attarda pas du côté de l’entrejambe qu’elle dévoilait. Non, son attention était complètement braqué sur tous les merveilleux bouleversements qu’ils venaient de rencontrer.


Victor finit par regarder le visage de sa compagne : ses lèvres murmuraient légèrement comme si elle rêvait quelque chose … ou quelqu’un de particulièrement agréable. S’étant tourné, il devina aisément que les seins de sa jeune amie pointaient nues sous son tea shirt blanc, qu’ils surélevaient légèrement. Il chassa néanmoins cette pensée de la tête, et souria en  contemplant son visage paisible et heureux : il semblait soulagé qu’elle soit là, ayant l’air de constater qu’elle l’accompagnait dans cet événement à nul autre pareil : l’arrêt du temps pour tout ce qui leur était à tout deux étranger.

 

Longuement, le jeune homme avait scruté leur environnement avec la longue vue de son navire inamovible, il avait vu les feuilles que juste avant un petit vent matinal pliait un peu, mais parfaitement immobiles, restant dans une position de pliure angulaire sans en changer d’un iota. Il avait regardé les nuages dans le ciel, saupoudrés tels des pâtés de couleurs gris blanc donnant aux nues un aspect ton uni bleu à pois gris. Là encore, aucune masse d’air ne s’était déplacé.


Sa montre s’était arrêtée.


Et tous les animaux, jusqu’à la moindre petite fourmi, étaient également toujours figés dans le paysage.

Il n’y avait qu’un seul élément qui avait bougé : l’un des deux soleils dans le ciel. Très peu. L’autre restait immobile. Il marquait son midi et restait ainsi.


Lorsque Lynn émergea peu de temps après de ce qu’elle crût être un rêve étonnant, elle se trouvait face au bastingage du navire et ce que virent ses yeux étaient tout bonnement extraordinaire. Un petit oiseau aux ailes déployées et aux serres tendues et ouvertes se trouvait à quelques centimètres au-dessus de la planche de bois, sans la toucher, et totalement figé, défiant toutes les lois de la physique et de la pesanteur … Même paralysé, il devrait tomber … C’était impossible qu’il reste en lévitation entre ciel et terre. Et pourtant …


Elle cria.


Victor, qui s’était levé pour observer un peu tout avec sa longue vue, se retourna alors, surpris et s’élança vers elle. Elle tremblait, l’air paniquée. Il la prit dans ses bras, affectueusement. Chaleureusement. Il lui susurrait des paroles douces et réconfortantes :

« Ne t’inquiète pas. Il n’y a rien de grave. Tout ça est stupéfiant. C’est comme si tout s’était arrêté d’un coup. Mais pas nous. On pense, on parle … On est vivant, Lynn ! Reprends-toi… »


Son amie cessa alors de trembler et se blottit encore plus fort contre son torse. Sans sourire.


Lui cessa un moment de parler, avec un air pensif. Il appréciait à sa juste valeur la chaleur de l’étreinte de la jeune femme et son imagination vagabonda loin de là.


Après un long moment, sentant que son amie restait sombrement dans ses pensées, il s’adressa de nouveau à elle :


« …Tu sais … Peut-être que ce phénomène n’est pas un caprice de la nature. Oui, je pense que c’est quelque chose de planifié. Et que d’une manière ou d’une autre, nous faisons parti du plan. Si non, comment expliquer que nous soyons toi et moi en mouvement pendant que tout le reste, absolument tout le reste, jusqu’au seul vol d’un oiseau, a cessé de vivre ? C’est pour cette raison que tu ne dois pas t’inquiéter, petite Lynn. Nous avons un rôle, toi et moi, à jouer dans toute cette folie. »


Lynn leva une tête étonnée que Victor devinait rempli de questions, et ses grands yeux semblèrent se détailler dans le miroir des siens. Puis, elle parla à son tour.

 

« Oui, Victor … Tu dois avoir raison. Et puis, lorsque toutes nos certitudes perdent toute valeur, il faut bien se raccrocher à quelque chose … qui soit solide … »


L’adolescent, tout heureux de voir que son amie avait retrouvé la parole et donc avait repris un peu de poil de la bête rebondit :


« Oui. Voilà. Tu as raison. »

 

Elle fit jouer ses doigts dans une mèche de ses cheveux, ce qui lui donna un air particulièrement mutin qui n’échappa pas à la scrutation de son compagnon.


Elle dit :


« Qu’allons … Que devons nous faire maintenant ? »

 

Victor dressa la tête, semblant regarder le ciel … Il dit en parallèle à sa compagne :


« Rien. Il y a dans mon appartement – ce bateau immobile – tout ce qu’il faut pour vivre et manger pendant des jours. Ce serait … il hésita un moment … folie de partir dans l’inconnu avec quelques sacs … Et puis, mon petit doigt me dit que nous n’attendrons pas longtemps, et qu’avant peu nous en saurons plus sur ce qui est arrivé. »

 

Il prononça ses derniers mots avec un enthousiasme non feint, et la jeune fille sentit une bouffée d’agréable chaleur l’envahir … « Quel homme … ! » se disait-elle … « Quel courage ce Victor ! » … « Rien ne l’abat ! » … « Avec lui, nous arriverons à bon port, c’est certain ! »


Elle le regardait avec fierté, et, domptée, lui répondit simplement, avec une joie coquine non dissimulée :

 

« comme il vous plaira, monsieur »


Le reste de la journée se passa pour eux en conversations heureuses et en éclats de rires bruyants et fut en un mot dédié aux plaisirs les plus diverses : bien sûr la farniente au soleil,  mais aussi de longues parties de dés ou de cartes, et des séances de peinture – une marotte de Lynn qui permit à Victor qu’elle laissa de fait esseulé de faire différentes expériences à l’aide d’appareils de mesure plus ou moins connus.


Les heures passaient … Lynn s’appliquait à dessiner l’oiseau statufié en pleine lévitation, et Victor consultait d’énormes atlas routiers, quand un grondement de voix surgit au loin, qui allait en s’amplifiant.

Victor, qui venait de prendre un air très inquiet, alerta Lynn :


« Lynn ! Suis-moi dans la cabine ! On vient ! Cachons-nous ! Vite ! »

 

En poussant un hoquet de surprise et de confusion, la jeune fille lâcha son dessin et son pinceau et se dépêcha de se cacher dans la cabine au côté de son ami. Exiguë, celle-ci laissait juste assez de place pour deux en temps normal et leur désir de ne pas être vu à travers le hublot les obligeait cette fois-ci à encore plus de proximité : Lynn avait ses fesses collées contre le bassin de Victor, et lui, soucieux de la protéger, avaient mis ses bras au-dessus de ses épaules …


Bientôt, la zone juste en arrière du bateau devint fort bruyante, comme si un vaste chantier s’établissait : des bruits évoquaient une montée de barricade près des arbres, ou quelque chose d’idoine, d’autres donnaient l’impression qu’un grand nombre de personnes allaient et venaient dans les environs. Chose étrange, il n’y avait aucune conversation comme si les ouvriers du chantier - les bruits de scie par exemple ne laissait aucun doute sur la nature de toute cette agitation – savaient tous parfaitement ce qu’ils avaient à faire.


Les jeunes gens s’interrogeaient en chuchotant, et Lynn soyons honnête profitait quelque peu des bras de Victor autour de ses épaules et recouvrant partiellement sa poitrine, jusqu’à ce qu’un bruit de pas sur le pont du navire les firent tressaillir.

 

Pendant que Lynn réfléchissait à ce qu’il convenait de faire, Victor se décida à agir. Il susurra à l’oreille de son amie de ne pas bouger d’un pouce, et se redressa quelque peu sur ses talons, la jambe à moitié pliée. Il progressa ainsi dans l’escalier qui montait de l’intérieur de la cabine vers le pont, au sommet duquel il se tapit de sorte que seul un bout de tête soit au pire visible de l’individu singulier qu’il pouvait désormais imprudemment étudier. Il n’était ni grand ni petit, et tout habillé d’une combinaison moulante blanche, hormis une montre à gousset noire ouverte accrochée à son cou et des lunettes rondes également noires. Mais surtout, ce qu’il faisait tenait de l’absurde. A l’aide de gants blancs, il manipulait l’oiseau qui n’était donc plus en train de léviter. L’inconnu avait déjà replié une de ses ailes et allongé ses serres à plat sur le bastingage. Victor le regarda replier la dernière aile millimètre après millimètre avec un soin extrême. Une fois sa tâche achevée l’homme commença à quitter le navire.


Victor fit signe à Lynn de le suivre, et ils se mirent tout deux à ramper le long du bastingage. Ce n’est qu’une fois arrivé à la poupe qu’ils risquèrent un coup d’œil furtif aux alentours.


Leur singulier invité leur tournait le dos et terminait de descendre la passerelle lorsqu’un événement normalement impossible se produisit : il se retourna et regarda fixement la jeune femme, comme si l’espace d’une seconde éternelle, son champ de vision ne pouvait se fixer ailleurs. A ce moment précis, elle aurait juré que l’inconnu avait rougi. Mais très rapidement, son attention à elle fut attirée bien ailleurs.

Ils regardaient en effet autour d’eux un tableau une nouvelle fois absolument stupéfiant. Une armée d’être humains absolument semblables à celui qu’ils virent sur le bateau, tous habillés de la même tenue blanche et portant des lunettes rondes noires. Pas un ne se tournait les pouces, ils agissaient tous en rythme et de concert suivant un programme précis. Ils ne faisaient pas la même chose par contre. Des ouvriers construisaient des sortes d’échafaudages pour atteindre la cime des arbres, et pendant qu’ils abattaient cette tâche, d’autres s’y hissaient pour manipuler les feuilles. Un personnage volait avec une sorte d’hélicoptère monoplace et pétaradant pour régler une machine compliquée dotée de grands soufflets dont l’embout se dirigeait vers la cime de l’arbre où le groupe d’hommes en blancs était encore perché. Le reste de la troupe s’affairait dans les fourrés, pour quelques tâches indistinctes mais toutes aussi minutieuses les forçant à s’accroupir ou même à s’allonger à même la terre … ou marchaient en tirant tels des baudets des chariots débordant d’objets divers afin de les emmener à d’autres collègues ouvriers.

Tout cela dura un moment incroyablement long. Lorsqu’ils eurent fini, la première sphère solaire n’avait évidemment pas bougé d’un millimètre dans sa course séculaire, et la luminosité restait celle d’un zénith appuyé,  mais le deuxième soleil lui avait bien parcouru une bonne partie du ciel et allait bientôt … se coucher. Le paysage était entièrement remodelé, comme si chaque élément, de la plus petite feuille à la course d’un chevreuil, tous figés avant cela, avait bougé avec un décalage spatial plus ou moins important selon la vitesse qu’on pouvait supposer aux objets et pleins d’autres paramètres de physique classique.

C’est ce que comprit Victor.


Lynn, elle, regardait l’étrange procession des hommes en blancs qui allaient bientôt disparaître du paysage. A l’exception d’un seul, qui marchait en zigzaguant et se retournait fréquemment pour tenter de braquer nerveusement son regard sur elle, tous se comportaient exactement de la même façon telle une armée sans âme. Elle brûlait d’en savoir plus sur eux, aussi, lorsque Victor lui prit la main avec un sourire pour l’entraîner à leur poursuite elle ne se fit point prier.


Visiblement, le jeune homme avait décidé d’en savoir plus, et Lynn avait déjà en lui une confiance quasi-totale.


A peine avaient-ils tout deux descendu de leur bateau, et fait quelques mètres vers la file d’ouvriers qui disparaissaient déjà à l’horizon, qu’ils furent alertés par des bruits d’eaux.


Victor entraîna Lynn à sa suite à travers les frondaisons d’un sous-bois, où leurs pas les menèrent à une petite cascade qui donnait dans une mince rivière. L’eau normalement en mouvement était en muette suspension, comme Lynn s’y attendait et le spectacle déclenchait en elle une belle surenchère de surréel. Mais son attention fut distraite par une scène non moins étonnante :près d’un véhicule motorisé qui ressemblait à un assemblage lego géant deux « ouvriers » prenaient benoîtement un bain, tout nu dans le lit de la rivière et leur évolution mettait les gouttes d’eau légèrement en mouvement.


Lorsque son ami Victor s’empara prestement de leurs t shirts blancs, lunettes noires y compris, qu’ils avaient déposés sur un rocher, elle comprit où il voulait en venir.


Elle fixa les deux baigneurs au cas où, mais ceux-ci visiblement ne se doutaient de rien, se contentant de nager en déplaçant petit à petit toute la masse d’eau.

 

Victor revint vers elle, et avec un grand sourire l’attira vivement vers lui pour la mener à la voiture lego improbable. Très excitée par le larcin à venir autant que par la fougue de Victor, elle le suivit dans un éclat de rire … Après tout, les deux baigneurs n’avaient pas bien l’air méchant avec leur air bonhomme. Ses fesses épousèrent le siège, en velours confortable, au moment où Victor alluma le contact et fit démarrer l’engin. Ce n’est que lorsque celles du jeune homme se posèrent à ses côtés qu’elle constata une énième bizarrerie : le véhicule n’avait pas de volant et roulait comme si il suivait un sillage préétabli. Comme les hommes en blancs.


Mais Victor souriait toujours et tout en mimant la tête des deux baigneurs surpris de voir leur voiture s’en aller sans eux, il passa son bras derrière le cou de Lynn. Et c’était là tout ce qui comptait pour elle. Elle était aux anges, et ne tarda pas à s’endormir contre l’épaule de son ami, en roucoulant légèrement.

Elle se réveilla après un temps qui lui sembla éternel. D’ailleurs, en quelque sorte … Elle se trouvait toujours dans la voiture, mais Victor avait quitté l’engin, et contemplait le paysage au bord d’une sorte de précipice. En effet, l’esprit un tantinet embrumé de la jeune fille imagina en premier lieu ainsi la sente escarpée qui plongeait au plus profond de la gigantesque caverne dans laquelle les deux jeunes gens se trouvaient.


Elle avait rejoint Victor. A peine avait-elle quitté la voiture que celle-ci repartit toute seule, après un demi-tour parfaitement réalisé, pour revenir sur ses pas. Cela ne sembla pas alerter son ami, qui apparemment ne se laissa distraire que lorsque Lynn parvint près de lui ce qui lui fit tourner la tête et avoir un sourire et un regard dardé sur elle de manière profondément séducteur.


Elle, vit l’étroite sente caillouteuse qui plongeait dans le précipice, à peine éclairée par des vapeurs phosphorescentes semblant s’échapper d’un tapis de petits champignons verts …


« Mais, où donc étaient-ils ? , se dit-elle … »


Victor la héla, de plus en plus enthousiaste, et son excitation fit sur elle contagion :


« Viens, Lynn ! Dépêche toi ! »

 

Elle ria et trottina derrière lui. Ils dévalaient gaiement le sentier souterrain.

 

Après avoir serpentée  bien des fois, la singulière route s’arrêta au pied d’un gigantesque pilier de pierre …Non pas. Plutôt une sorte de sablier géant rempli au 9 dixième à peu près de sables qu’un mécanisme d’horlogerie aux pièces de taille démentielle déposait goutte après goutte.

 

Les deux jeunes gens restèrent un long moment en arrêt devant l’étrange monument, bouche bée. Victor fut le premier à sortir de la stupéfaction, et un sourire de joie lui éclaira soudain le visage. Il agrippa derechef la main de sa compagne et prit à droite un court sentier qui montait.


Pendant qu’ils courraient, la jeune fille regarda autour d’elle alors que Victor se contentait lui d’être joyeux et pressé, sans même répondre aux « oh ! Regarde, c’est incroyable ! » de son amie qui détaillait le spectacle qui s’offrait à eux dans leur cheminement. Le couple avait couru sur une sorte de pont de pierre suspendu au-dessus d’une vaste salle de roche que les champignons lumineux éclairaient : il y avait en dessous une armée formidable d’hommes en blancs, tous jumeaux, tels des clones improbables. Etaient-ils dix milles ? cent milles ? un million ou davantage ? Impossible à déterminer, car partout où nos héros regardaient, leur horizon en était rempli. Et ils continuaient à arriver, un par un ou dix par dix, pour s’entasser et faire grandir leur nombre, un peu comme les grains de sables qui s’amoncelaient dans le grand sablier qu’ils avaient vu un peu plus tôt.

 

Au bout du pont, le couple entra dans un tunnel bien plus sombre, et Victor allait de plus en plus vite. Ils arrivèrent à une porte « gardée » par deux hommes en blancs. Ils ne semblaient guère vigilants et les laissèrent passer sans problème. Derrière, un court couloir puis un escalier en colimaçon les mena au centre d’une sorte de prison éclairée par des grandes torches en bronze ancien. Comme le montrait plusieurs petites alcôves fermées par de larges grilles, derrière lesquelles il n’y avait pas moyen de voir la présence d’éventuels occupants tant il y faisait sombre.


L’atmosphère du lieu était à la fois chaude et poisseuse, la lumière des torches qui éclairait faiblement la pièce mettant en plus en évidence une sorte de brouillard ou de fumée dense, rougeâtre.


Cela mettait d’autant plus mal à l’aise Lynn qu’il y avait un concert de suppliques et de bruits divers, tous dérangeants, qui provenaient de derrière la plupart des grilles. Victor lui sourie gentiment et la tira vivement pour qu’elle la suive en direction de l’unique porte de l’enclave.


Leur présence ici ne devait pas être autorisée se dit la jeune fille et cela lui fit comprendre pourquoi il leur fallait faire vite.

 

Derrière la porte, un bref escalier en pierre à larges marches disposées en arc de cercle et parcouru de gros lierres conduisait à un improbable jardin fleuri. La surprise de la jeune fille fut telle qu’elle en lâcha la main de Victor. Nul jardinier n’était visible dans cet eden pourtant cela devait être un artisan exceptionnel qui avait du en concevoir le dessin se dit-elle alors, tant tout était fleuri et embaumait l’air de mille saveurs printanières.


Au milieu de ce vert pastellé de mille couleurs naturelles diverses, de nombreux papillons voletaient, et toute une vie animale florissait. Là un raton rongeant un morceau de branche semblait la regarder avec une malice comique, plus loin, un couple de lapin fricottait et un pic-vert jouait du télégraphe sur un tronc de bouleau.

 

C’est en observant distraite une longue colonne de fourmi noire qui cheminait vers un monticule de terre au milieu d’un parterre de rosiers que l’évidence sauta aux yeux de Lynn : le temps avait repris son cours. Elle voulut en avertir Victor.


Mais où était-il ?

 

Pris d’une panique incompréhensible – « Mais comment a t’il pu m’abandonner ? Que vais-je devenir toute seule dans ce cauchemar? » pensa t’elle -, Lynn se mit à la recherche de son ami en courant à perdre haleine

.

Après une cavalcade effrénée dans ce jardin labyrinthe sans fin, et avoir choisit au hasard de nombreux carrefours, certains plusieurs fois lorsqu’elle revenait sans trop savoir comment sur ses pas, elle finit par arriver au centre de la gigantesque serre souterraine : là, il y avait comme un cercle de pierres taillées et alignées de manière à former en pointillé le symbole de l’infini, le chiffre huit renversé. Au centre de chaque boucle une cage intégrale en forme de cloche et formée de barreaux en marbres blancs sculptés d’arabesques et de bas relief figurant quelques divinités païennes oubliées avait été construite. La cage la plus proche de Lynn abritait un occupant, et quelques mètres plus loin, celle devant laquelle s’était arrêté Victor, comme hypnotisé, était vide.


Lynn fut fasciné à son tour par la cage à laquelle elle faisait face : en son sein, une jeune fille nue dansait sans arrêt en lui souriant. Elle était d’une beauté irréelle, comme sortie d’un pure tableau de Botticelli, sa longue chevelure argentée comme l’écume cascadait finement par-dessus ses épaules avant de contourner ses seins. Et elle s’arrangeait toujours pour fixer de son regard bleuté les yeux, et l’âme de la jeune femme tout en remuant des lèvres vermeilles, comme susurrant des mots que seule Lynn entendit alors à l’intérieur de sa tête :


« Délivre-moi, petite humaine … délivre moi et tu deviendras la plus belle femme pour toute l’éternité des temps … s’il te plait»


La créature étendit la main vers elle à l’extérieur de la cage, comme pour la supplier une ultime fois. Lynn prit peur et courra vers Victor en coupant l’alignement des pierres.


Victor restait comme en contemplation devant la deuxième cage, toujours vide.


Lynn le secoua comme un prunier, pour qu’il sorte de sa torpeur. Victor leva alors la tête et plongea ses yeux en larmes dans ceux de sa compagne. Il lui sourit simplement, et elle fut comme réchauffée par cet échange. Sans cesser de la regarder intensément, il lui laissa sécher ses larmes avant de lui dire :


« Lynn, pardonne moi je t’en prie … je l’aime trop »


Lynn ne comprit pas tout de suite, et lui demanda :


« Qu’y-a-t’il, Victor ? de … de qui tu parles ? Tu sembles boul … »


Elle ne pu pas finir sa phrase, car déjà le dénommé Victor l’empoigna sans délicatesse et la poussa dans la cage, dont les barreaux s’ouvrirent alors par quelques obscurs enchantements …

 

Au même moment, les barreaux de la première cage se transformèrent en entrelacs de tiges fleuries que la dryade du temps écarta avec grâce, avant de léviter tranquillement vers son sauveur qui resta bouche béé devant tant de beauté offerte à lui. Elle lui dit :

 

« Merci, ô merci, mon tendre amour … Tu es allée pour moi plus loin que nulle femme ne pourrait l’espérer … Tu es venue jusqu’en deça du temps pour me libérer ! Je saurais t’en remercier toute notre éternité durant …mon aimé »

 

Pendant que Lynn se recroquevillait au fond de sa cage, pleurant toutes les larmes de son corps qu’elle n’avait jamais connu si froid, Victor et la dryade s’embrassèrent d’un doux et long baiser et l’horloge du temps sonna les douze coups de fin de sablier.


Déjà, plus loin, l’armée du Temps quittait la caverne et se remettait au trava
il. Tous. Sauf un.
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